Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 1.djvu/319

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Où viennent s’apaiser les pâles voluptés ;
Des bœufs à face humaine, à nos portes sculptés,
Témoignent que Belus est le seul roi du monde ;
À de certains endroits notre ombre est si profonde
Que la nuit en montant aux cieux n’y change rien ;
Nous avons vu grandir le trône assyrien ;
Nos troncs, contemporains des anciens jours de l’homme,
Ont vu le premier arbre et la première pomme,
Et, vieux, ils sont puissants, et leurs antiques fûts
Ont des rameaux si durs, si noueux, si touffus,
Et d’un balancement si noir, que le zéphyre
Épuisé s’y fatigue et ne peut leur suffire ;
Et leur vaste branchage est fait d’un tel granit
Qu’il faudrait l’ouragan pour y bercer un nid.

Gloire à Sémiramis qui posa nos terrasses
Sur des murs que vient battre en vain le flot des races
Et sur des ponts dont l’arche est au-dessus du temps !
Cette reine parfois, sous nos rameaux flottants,
Venait rire entre deux écroulements d’empires ;
Elle abattait au loin les rois moindres ou pires,
Puis s’en allait ayant l’homme jusqu’aux genoux,
Et venait respirer contente parmi nous ;
Gaie, elle se couchait sur des peaux de panthère ;
Quels lieux, quels champs, quels murs, quels palais sur la terre,
Hors nous, ont entendu rire Sémiramis ?
Nous, les arbres hautains, nous étions ses amis ;