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LE LABEUR

Aucun lieu définitif où poser l’esprit. Des points de départ sans point d’arrivée. L’entre-croisement des solutions contradictoires, tous les embranchements du doute s’offrant en même temps, la ramification des phénomènes s’exfoliant sans limite sous une poussée indéfinie, toutes les lois se versant l’une dans l’autre, une promiscuité insondable qui fait que la minéralisation végète, que la végétation vit, que la pensée pèse, que l’amour rayonne et que la gravitation aime ; l’immense front d’attaque de toutes les questions se développant dans l’obscurité sans bornes ; l’entrevu ébauchant l’ignoré ; la simultanéité cosmique en pleine apparition, non pour le regard mais pour l’intelligence, dans le grand espace indistinct ; l’invisible devenu vision. C’est l’ombre. L’homme est là-dessous.

Il ne connaît pas le détail, mais il porte, en quantité proportionnée à son esprit, le poids monstrueux de l’ensemble. Cette obsession poussait les pâtres chaldéens à l’astronomie. Des révélations involontaires sortent des pores de la création ; une exsudation de science se fait en quelque sorte d’elle-même, et gagne l’ignorant. Tout solitaire, sous cette imprégnation mystérieuse, devient, souvent sans en avoir conscience, un philosophe naturel.

L’obscurité est indivisible. Elle est habitée. Habitée sans déplacement par l’absolu ; habitée aussi avec déplacement. On s’y meut, chose inquiétante. Une formation sacrée y accomplit ses phases. Des préméditations, des puissances, des destinations voulues, y élaborent en commun une œuvre démesurée. Une vie terrible et horrible est là dedans. Il y a de vastes évolutions d’astres, la famille stellaire, la fa-