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LES TRAVAILLEURS DE LA MER

s’était, sans s’en apercevoir, rapproché de l’espèce de caveau, déjà remarqué par lui, près de la crevasse où il avait été harponné par la pieuvre.

Ce caveau se prolongeait obliquement, et à sec, sous les grandes parois de la cave. Les galets qui s’y étaient amassés en avaient exhaussé le fond au-dessus du niveau des marées ordinaires. Cette anfractuosité était un assez large cintre surbaissé ; un homme y pouvait entrer en se courbant. La clarté verte de la grotte sous-marine y pénétrait, et l’éclairait faiblement.

Il arriva que, tout en frictionnant en hâte sa peau tuméfiée, Gilliatt leva machinalement les yeux.

Son regard s’enfonça dans ce caveau.

Il eut un tressaillement.

Il lui sembla voir au fond de ce trou dans l’ombre une sorte de face qui riait.

Gilliatt ignorait le mot hallucination, mais connaissait la chose. Les mystérieuses rencontres avec l’invraisemblable que, pour nous tirer d’affaire, nous appelons hallucinations, sont dans la nature. Illusions ou réalités, des visions passent. Qui se trouve là les voit. Gilliatt, nous l’avons dit, était un pensif. Il avait cette grandeur d’être parfois halluciné comme un prophète. On n’est pas impunément le songeur des lieux solitaires.

Il crut à un de ces mirages dont, homme nocturne qu’il était, il avait eu plus d’une fois la stupeur.

L’anfractuosité figurait assez exactement un four à chaux. C’était une niche basse en anse de panier, dont les voussures abruptes allaient se rétrécissant jusqu’à l’extrémité de la