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DURANDE ET DÉRUCHETTE

des grandes pêches, si fréquentes à Guernesey ; que le beurre des admirables vaches de Guernesey faisait plus rapidement le trajet dans le Devil-Boat que dans les sloops à voile, et ne perdait plus rien de sa qualité, de sorte que Dinan en demandait, et que Saint-Brieuc en demandait, et que Rennes en demandait ; qu’enfin il y avait, grâce à ce qu’on appelait la galiote à Lethierry, sécurité de voyage, régularité de communication, va-et-vient facile et prompt, agrandissement de circulation, multiplication de débouchés, extension de commerce, et qu’en somme il fallait prendre son parti de ce Devil-Boat qui violait la bible et enrichissait l’île. Quelques esprits forts se hasardèrent à approuver dans une certaine mesure. Sieur Landoys, le greffier, accorda son estime à ce bateau. Du reste, ce fut impartialité de sa part, car il n’aimait pas Lethierry. D’abord Lethierry était mess et Landoys n’était que sieur. Ensuite, quoique greffier à Saint-Pierre-Port, Landoys était paroissien de Saint-Sampson ; or ils n’étaient dans la paroisse que deux hommes, Lethierry et lui, n’ayant point de préjugés ; c’était bien le moins que l’un détestât l’autre. Être du même bord, cela éloigne.

Sieur Landoys néanmoins eut l’honnêteté d’approuver le bateau à vapeur. D’autres se joignirent à sieur Landoys. Insensiblement, le fait monta ; les faits sont une marée, et, avec le temps, avec le succès continu et croissant, avec l’évidence du service rendu, l’augmentation du bien-être de tous étant constatée, il vint un jour où, quelques sages exceptés, tout le monde admira « la galiote à Lethierry ».

On l’admirerait moins aujourd’hui. Ce steamer d’il y a