Page:Hugo - Les Travailleurs de la mer Tome I (1891).djvu/30

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abrègent les détours. Les rues fort roides sont montées et descendues au galop par les excellents attelages anglo-normands.

Sur la grande place, les femmes du marché, assises en plein air sur le pavé, reçoivent les averses de l’hiver ; mais il y a à quelques pas la statue de bronze d’un prince. Il tombe par fin un pied d’eau à Jersey, et dix pouces et demi à Guernesey. Les poissonniers sont mieux traités que les maraîchers ; la poissonnerie, vaste halle couverte, a des tables de marbre où s’étalent magnifiquement les pêches, souvent miraculeuses, de Guernesey.

Il n’y a point de bibliothèque publique, Il y a une société mécanique et littéraire. Il y a un collège. On édifie le plus d’églises qu’on peut. Quand elles sont bâties, on les fait approuver par « les seigneurs du conseil ». Il n’est point rare de voir passer dans la rue des chariots portant les fenestrages ogives en bois donnés par tel charpentier à telle église.

Il y a un palais de justice. Les juges, vêtus de violet, opinent à haute voix. Au siècle dernier, les bouchers ne pouvaient pas vendre une livre de bœuf ou de mouton avant que les magistrats eussent choisi leur viande.

Force « chapelles » particulières protestent contre les églises officielles. Entrez dans une de ces chapelles, vous entendrez un paysan expliquer à d’autres le nestorianisme, c’est-à-dire la nuance entre la mère du Christ et la mère de Dieu, ou enseigner comme quoi le Père est puissance, tandis que le Fils n’est qu’une sorte de puissance ; ce qui ressemble fort à l’hérésie d’Abeilard. Les irlandais catholiques foison-