Page:Huguenin (Madeleine) - Anne Mérival, La Revue Moderne Oct-Nov-Déc 1927.djvu/26

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— C’est Madame Rambert qui vous invite, j’imagine ?

— Elle-même, fit Anne, un peu étonnée.

— J’ai moi-même une invitation. Irez-vous ?

— Que voulez-vous que j’aille faire à la soirée de Madame Rambert, mon cher ami ? Je ne connais personne ici, j’y serais délaissée ou à peu près. Et puis cela ne m’intéresse pas du tout.

— Mais si je vous demandais la faveur de vous y conduire, Anne, que diriez-vous ? Vous ne me trouvez peut-être pas assez vieux pour servir de mentor. Et vous êtes bien jeune pour sortir dans le monde sans un chaperon. Je sais tout cela, mais vous êtes, outre une petite demoiselle très-sage, une personnalité qui peut se permettre de ne pas agir exactement comme tout le monde. Vous êtes au-dessus des préjugés, des conventions, et même des remarques. L’on nous acceptera comme deux bons camarades, et personne ne songera à dire des méchancetés sur notre compte. Je serais si heureux d’aller là-bas avec vous. Dites donc que vous acceptez ?

— Et vous serez content, très content ?

— Très content, et très fier, affirma-t-il, du rire plein les yeux.

Elle eut soudain une inquiétude :

— Je n’ai pas de jolie robe, savez-vous ? Et je vais avoir l’air de Cendrillon.

— Pas de jolie robe, et la rose que vous portiez à cette conférence, et qui vous faisait si jeune et si élégante. Seriez-vous coquette, par hasard, Mademoiselle Anne ?

— Coquette, non, mais il me déplairait infiniment d’entrer dans un salon où mon inélégance pourrait être notée. Je pense que la femme qui manque de goût est incomplète. Mais trouvez-vous vraiment, vous qui êtes déjà allé dans ce beau monde, que ma robe n’y fera pas triste figure ? Il faut me le dire bien franchement, car je vous en voudrais de me trouver mal à l’aise. Vous m’auriez alors mal conseillée, et ce serait bien la première fois…

Ils se mirent à rire. Il leur sembla drôle à tous deux de causer ensemble de ces choses puériles. Henri souriait doucement à la belle gaieté d’Anne ; il voyait le sang remonter à ses joues, et la joie renaître dans ses yeux. Lui-même se sentait étonnamment heureux d’être jeune, et de marcher à côté de cette belle jeune fille dont on prononçait le nom avec respect et admiration.

— Sommes-nous assez enfants, tout de même ! fit Anne.

— Et si nous le voulions, peut-être pour-