Page:Huysmans - Croquis parisiens.djvu/154

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Joie, de l’inutilité absolue de toute chose ? — Est-ce enfin le mythe, une fois de plus rajeuni, de la Vérité qui reconnaît, au passage, sous des oripeaux et des masques divers, le même homme, affligé des mêmes vertus et des mêmes vices, le même homme, dont l’originelle férocité ne s’est nullement amoindrie sous l’effort des siècles, mais s’est simplement dissimulée derrière cette grâce des peuples civilisés, la pénétrante et discrète hypocrisie ?

Quoi qu’il en soit, ce mystérieux visage me hantait ; en vain je voulus scruter son regard perdu au loin ; en vain je tentai de sonder sa face qu’une souffrance seulement personnelle eût été incapable de creuser ainsi ; mais la hiératique et douloureuse image disparut, et, à cette moderne vision des anciens âges, succéda un paysage atroce, un marais d’eau stagnante, morne et noire ; cette eau s’étendait jusqu’à l’horizon fermé par un ciel semblable à un panneau d’ébène d’une seule pièce, sans blanche soudure de Voie lactée, sans vis argentées d’étoiles.

De cette eau enténébrée, sous ce ciel opaque, jaillit soudain la monstrueuse tige d’une impossible fleur.

On eût dit d’une baguette d’acier rigide sur laquelle poussaient des feuilles métalliques, dures et nettes. Puis des bourgeons sortirent, pareils à des têtards, à des chefs commencés de fœtus, à de blanchâtres boulettes, sans nez, sans yeux et sans