Page:Huysmans - Croquis parisiens.djvu/182

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

maître, dit-elle, tu n’as plus besoin de personne, mon pauvre garçon, il était grand temps » ; et en effet sa santé débile s’altérait de jour en jour : un mois après, elle mourut des suites d’un gros rhume gagné dans la cage ventilée où elle demeurait, l’hiver comme l’été, assise.

Jean resta seul ; la tante Eudore était enterrée depuis longtemps ; ses autres parents étaient ou dispersés ou morts ; il ne les avait d’ailleurs pas connus ; c’est tout au plus s’il se souvenait du nom d’une cousine actuellement en province, dans un monastère.

Il se fit quelques camarades, quelques amis, puis arriva le moment où les uns quittèrent Paris et où les autres se marièrent ; il n’eut pas le courage de nouer de nouvelles liaisons et, peu à peu, il s’abandonna et vécut seul.

C’est égal, la solitude est douloureuse, pensait-il maintenant, en remettant, un à un, des bouts de coke sur sa grille, et il songea à ses anciens camarades. Comme le mariage brisait tout ! On s’était tutoyé, on avait vécu de la même existence, l’on ne pouvait se passer les uns des autres et c’est à peine si l’on se saluait à présent lorsqu’on se rencontrait. L’ami marié est toujours un peu embarrassé, car c’est lui qui a rompu les relations, puis il s’imagine aussi qu’on raille la vie qu’il mène et enfin, il est, de bonne foi, persuadé qu’il