Page:Huysmans - Croquis parisiens.djvu/187

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vail, il s’aperçut que la protection était tout ; les employés nés en province étaient soutenus par leurs députés et ils arrivaient quand même. Lui, était né à Paris, il n’était aidé par aucun personnage, il demeura simple expéditionnaire et il copia et recopia, pendant des années, des monceaux de dépêches, traça d’innombrables barres de jonction, bâtit des masses d’états, répéta des milliers de fois les invariables salutations des protocoles ; à ce jeu, son zèle se refroidit et maintenant, sans attente de gratifications, sans espoir d’avancements, il était peu diligent et peu dévoué.

Avec ses 237 fr. 40 c. par mois, jamais il n’avait pu s’installer dans un logement commode, prendre une bonne, se régaler, les pieds au chaud, dans des pantoufles ; un essai malheureux tenté, un jour de lassitude, en dépit de toute vraisemblance, de tout bon sens, avait été d’ailleurs décisif et, au bout de deux mois, il avait dû naviguer de nouveau, au travers des restaurants, s’estimant encore satisfait d’être débarrassé de sa femme de ménage, madame Chabanel, une vieillesse haute de six pieds, aux lèvres velues et aux yeux obscènes plantés au-dessus de bajoues flasques. C’était une sorte de vivandière qui bâfrait comme un roulier et buvait comme quatre ; elle cuisinait mal et sa familiarité dépassait les bornes du possible. Elle posait les plats, bout-ci, bout-là, sur la table, puis