Page:Huysmans - Croquis parisiens.djvu/225

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Villette, dont les larges caisses rouge-brun s’alignent, au ras du trottoir, devant l’église.

La place s’animait, mais sans gaieté et sans fracas ; les fiacres dormaient à la station, devant un cabinet à cinq centimes et un trinckhall ; les énormes omnibus jaunes des Batignolles sillonnaient, en ballottant les rues, croisés par le petit omnibus vert du Panthéon et par la pâle voiture à deux chevaux d’Auteuil ; à midi, les séminaristes défilaient, deux à deux, les yeux baissés, avec un pas mécanique d’automates, se déroulant de Saint-Sulpice au séminaire, en une longue bande noire et blanche.

Sous un coup de soleil, la place devenait charmante : les tours inégales et l’église blondissaient ; l’or des annonces pétillait tout le long des débits de chasubles et de saints ciboires, le vaste tableau d’un déménageur avivait ses couleurs qui éclataient plus crues, et, sur l’armure d’un urinoir, une réclame de teinturier : deux chapeaux écarlates, jaillissant sur un fond noir, évoquaient, dans ce quartier de bedeaux et de dévotes, les fastes d’une religion, les hautes dignités d’un sacerdoce.

Seulement, ce spectacle n’offrait à M. Folantin aucun imprévu. Combien de fois, dans sa jeunesse, avait-il piétiné sur cette place, afin de regarder le vieux sanglier que possédait autrefois la maison Bailly ; combien de fois, le soir, avait-il écouté la