Page:Huysmans - Croquis parisiens.djvu/263

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certant, les moins prévenus ; son teint aqueux, ses pommettes vergées de fils roses, son nez en biseau relevé au bout, ses cheveux blancs enroulés sur la nuque et couvrant l’oreille, ses laborieuses épaules de vigneron, sa familière bedaine de curé gras, attiraient par leur bonhomie, incitaient d’abord à se confier à lui, presque à lui taper gaiement sur le ventre, les imprudents que glaçaient aussitôt l’étain de son regard, l’hiver de son œil froid.

Au fond, nul à Beauchamp n’avait pénétré le véritable caractère de ce vieillard qu’on vantait surtout parce qu’il semblait représenter la distinction parisienne en province et qui n’avait néanmoins pas abdiqué son origine, étant resté un pur provincial, malgré son séjour dans la capitale.

Parisien, il l’était au suprême degré pour toute la ville, car ses savons et ses vêtements venaient de Paris et il était abonné à « la Vie Parisienne » dont les élégances tolérées allumaient ses prunelles graves ; mais il corrigeait ces goûts mondains par un abonnement au « Moliériste », une revue où quelques gaziers s’occupaient d’éclairer la vie obscure du « Grand Comique ». Il y collaborait, du reste — la gaieté de Molière étant pour lui compréhensible — et son amour pour cette indiscutable gloire était tel qu’il mettait « le Bourgeois gentilhomme » en vers ; ce prodigieux labeur était sur le chantier depuis sept ans ; il s’efforçait de suivre le texte mot à mot,