Page:Huysmans - Croquis parisiens.djvu/264

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recueillant une immense estime de ce beau travail qu’il interrompait parfois cependant, pour fabriquer des poésies de circonstance qu’il se plaisait à débiter, les jours de naissance ou de fête, dans l’intimité, alors qu’on portait des toasts.

Provincial il l’était aussi au degré suprême : car il était tout à la fois amateur de commérages, gourmand et liardeur, remisant ses instinct sensuels qu’il n’eût pu satisfaire sans un honteux fracas, dans une petite ville, il avouait les charmes de la bonne chère et donnait de savoureux dîners, tout en rognant sur l’éclairage et les cigares. Maître Le Ponsart est une fine bouche, disaient le percepteur et le maire qui jalousaient ses dîners, tout en les prônant. Dans les premiers temps, ce luxe de la table et cet abonnement à un journal parisien, cher, faillirent outrepasser la dose de parisianisme que Beauchamp était à même de supporter ; le notaire manqua d’acquérir la réputation d’un roquentin et d’un prodigue ; mais bientôt ses concitoyens reconnurent qu’il était un des leurs, animé des mêmes passions qu’eux, des mêmes haines ; le fait est que, tout en gardant le secret professionnel, Maître Le Ponsart encourageait les médisances, se délectait au récit des petits cancans, puis il aimait tant le gain, vantait tant l’épargne, que ses compatriotes s’exaltaient à l’entendre, remués délicieusement jusqu’au fond de leurs moelles par ces