Page:Huysmans - Croquis parisiens.djvu/28

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reculent d’un pas ; ils détournent en tremblant la tête et voient un médecin en train de dérouler des bandes de toile et de préparer tranquillement sa trousse.

L’angoisse d’un visage qui se décompose passe sur leurs faces blafardes ; cette maladie nerveuse terrible, la peur, les cloue, vacillants, sur place.

Campés vis-à-vis l’un de l’autre, les voilà qui, à la vue des épées qu’on tire des serges, s’effarent davantage encore. Le tremblement de leurs mains s’accentue, les jambes flageolent, le cou suffoque, la bouche remue, la langue bat sans salive et cherche haleine, les doigts errent et se crispent sur la cravate qu’ils doivent défaire.

Puis, la terreur grandit encore et devient si impérieuse et si atroce, que les nerfs déjà rebellés se détraquent d’un coup et s’emportent sans qu’on puisse les tenir. Une idée fixe surgit dans le cerveau bouleversé de ces hommes, prendre la fuite, et ils se précipitent, culbutant tout, poursuivis et ramenés par les témoins qui les remettent face à face, et l’épée au poing.

Alors, après une dernière révolte de la chair qui s’insurge contre le carnage qu’on attend d’elle, une énergie de bêtes acculées leur vient et ils se jettent, affolés, l’un sur l’autre, tapant et piquant au hasard, soulevés par d’incroyables bonds, inconscients, aveuglés et assourdis par l’éclat et le cliquetis du