Page:Huysmans - Croquis parisiens.djvu/38

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des péplums écornés contre un mur sur lequel était peinte une vallée suisse. Le bal de la Brasserie Européenne était divisé en deux parties que coupait une balustrade : la première, formant un large couloir étayé par des colonnades de fonte, parquetée d’asphalte, garnie de tables et de chaises, plafonnée de toiles jadis vertes et maintenant pourries par les feux du gaz et les suintements de l’eau ; la seconde, s’étendant, ainsi qu’une grande halle, également soutenue par des piliers et coiffée d’un toit vitré, en dos d’âne. On eût dit d’une petite gare de chemin de fer de cette halle aux murs crevassés et déteints et la ressemblance était encore accentuée par un triste éclairage, semblable à celui des salles d’attente, par les trois lumières rouges et vertes qui flambaient, dans la fumée, au fond de la salle, de même que des feux de disques, par une immense cloison vitrée séparant le bal d’une brasserie, une cloison qui tremblotait au gaz dans un flot de vapeur et qui donnait l’incertaine vision d’une voie, à peine éclairée, fuyant dans le brouillard de la nuit, au loin.

Dans ce débarcadère de banlieue, une foule énorme bouillonnait et, sous les sifflets stridents des flûtes, sous le roulement continu de la grosse caisse, des riz-pain-sel, des commis d’administration, des infirmiers, des secrétaires d’état-major et de recrutement, toute une armée d’épaulettes à franges