Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/137

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tisses décolorées ou badigeonnées de jaune d’ocre une mélancolie de locaux inhabités pendant des mois, aux persiennes et aux portes closes, une banale opulence de pension de famille, une tristesse de rez-de-chaussée que n’égaient aucune industrie et aucun commerce. Une sorte d’ennui prévalait, l’ennui d’un lieu de passage, l’ennui de gens ne demeurant point dans ce quartier et ne s’y rendant que par contrainte et que par besoin ; c’était, en dépit de la vie factice et courte qu’insufflaient à cette rue les bureaux du Ministère, la teinte lugubre d’une province morte.

André s’applaudit en somme de résider dans un quartier aussi recueilli et aussi tranquille, mais Mélanie qui s’intéressait peu à l’atmosphère spéciale de ces rues, se borna à trouver ce coin de Paris malhonnête. La vie y coûtait deux fois plus cher que dans les autres, disait-elle, et il fallait marcher pendant des heures avant que d’apercevoir un épicier ou une fruitière. Elle assomma son maître de plaintes, déclara ne pas vouloir aller au marché parce que toutes les paysannes étaient des chipotières et des friponnes ; elle ajouta enfin qu’elle achèterait dorénavant ses provisions, le matin, en traversant le Gros-Caillou ; à l’entendre, les avenues situées derrière les Invalides, étaient un pays de Cocagne où les commerçants vendaient à perte. André lui répondit simplement qu’elle était parfaitement libre de trimballer, si bon lui semblait, un panier plein pendant des lieues ; quant aux économies qu’elle prétendait réaliser par ce