Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/138

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système, il y crut d’autant moins qu’elle continua à exhiber, tous les deux jours, une interminable liste de dépenses.

Libre de se pourvoir où qu’elle voudrait, Mélanie se tint parole et s’attira de la sorte, dans le quartier d’Anjou-Saint-Honoré, la réputation d’une râleuse. Une animosité extrême succéda aux plates flatteries que les marchandes lui débitèrent par cupidité, les premiers temps, puis, les querelles sourdes enflèrent et débordant des trottoirs, entrèrent comme un flot d’eau grasse dans la loge du portier. Furieux de ne pas faire le ménage d’André, excité par les colères des boutiques où stationnait sa femme, le concierge brandit un règlement qui interdisait de monter de l’eau et du bois et de secouer les tapis, après dix heures. Ce fut entre la loge et la cuisine, une lutte quotidienne, un combat acharné pour une goutte d’eau, pour une brindille de cotret, tombées dans les escaliers.

André s’inquiéta, eut peur que ces collisions ne l’atteignissent. Il ordonna à Mélanie de rester tranquille, graissa la patte du portier, parvint à force de largesses et de petits soins, à obtenir une sorte de trêve. Pour récompenser sa bonne d’avoir bien voulu remiser son humeur chagrine, il écouta même des histoires à dormir debout qu’elle jugea utile de lui raconter. Des garçons de bureau et même des employés du Ministère lui faisaient de l’œil dès qu’elle apparaissait sur la terrasse. Elle affectait un courroux qu’elle n’éprouvait réellement pas, étant flattée au