Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/210

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j’ignore et toi aussi du reste, se borne à recevoir et à remettre les lettres.

Le son de voix dépité, presque agressif d’André blessa Cyprien qui riposta, à son tour, d’un ton sec : quand il s’agit des femmes, je vais toujours aux hypothèses qui peuvent leur être les plus défavorables ; je suis sûr ainsi de ne pas me tromper !

— Allons, allons, repartit André qui devenait de plus en plus aigre, ne fais donc pas l’homme fort comme cela, ça ne te va pas !

— L’homme fort ! s’écria le peintre, Dieu que tu est moule ! – Quand il y a un danger à courir près des femmes, toute ma bravoure consiste à les éviter et à fuir ; tu le sais bien, pourtant. Sur ce, bonsoir ; je te conseille de marchander l’affection qu’on veut te revendre et de vérifier la balance où ça se pèsera ! Et il quitta la place, laissant André irrité de ce scepticisme féroce, le jugeant ridicule depuis que son ami l’appliquait à des choses qui lui étaient toutes personnelles.

La journée du jeudi parut longue à André. Il lui sembla qu’elle ne coulerait jamais. Appréhendant que Cyprien ne vînt, il commanda à Mélanie de lui servir le dîner de meilleure heure, et il s’habilla avant, se nettoyant à fond, mettant ses, effets les plus propres. Il mangea sans appétit, sortit et comme il avait encore plusieurs heures à tuer, il flâna, songeant à cette rencontre de deux amoureux qui ne se sont pas revus depuis cinq ans. Il avait peur de trouver Jeanne molle et fanée. Qu’était-elle