Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/243

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femmes de la bourgeoisie laissent généralement crever comme des chiennes, les personnes auxquelles aucun plaisir ou aucun intérêt ne les rattache.

— Ah ! ce n’est pas pour dire, reprit Jeanne, après un silence, mais je t’assure qu’elle a connu une dure misère, Eugénie, et qu’il faut qu’elle en ait un d’estomac, car elle ne mangeait dans le temps, par économie, que des pommes de terre et ne buvait que de l’eau de seltz pure.

André ne put se défendre d’admirer l’estomac vraiment incroyable de Madame Laveau.

— Elle avait été lâchée par un amant, quand tu l’as trouvée dans cette misère-là, dit-il ?

— Oui ; oh c’était un rien du tout que son amant ! Du reste, tu sais, les hommes…

— Eh bien, voyons, eh bien !

Elle sourit. Ce n’est pas toi qui agirais ainsi avec moi, fit-elle câlinement, en le baisant sur les yeux.

Il l’entoura de ses bras pour toute réponse.

— Dis donc, lui souffla-t-il dans l’oreille, il est onze heures et demie, si nous allions faire couche-couche ?

Elle rougit un peu. Il s’en fut dans la pièce voisine, ouvrit la couverture, posa les oreillers, l’un à côté de l’autre, puis il revint demander à Jeanne si elle couchait au bord.

Certainement, il lui était impossible de dormir dans la ruelle.

Alors, il rentra dans sa chambre et enfouit son mouchoir sous l’oreiller du fond. – Il arrangea proprement le couvre-pied, le lissant avec le plat des mains, puis il