Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/258

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couleur de rouille, de chocolat, de framboise ou de mauve.

— Il y a même quelquefois du tabac à priser dessus, riposta Jeanne, en riant, à son tour, car tu sais que nous avons toutes un petit cornet d’un sou que nous faisons sécher sous les fers.

— Ah ! bien, c’est du propre, s’écria André.

— Tu es bon, toi ! Il faut bien ça pour nous réveiller, pour nous permettre de tenir jusqu’à huit heures. Oh ! alors, personne ne dort plus, je t’assure ; on crie dans tous les ateliers : V’là l’heure ! et la toilette commence : chacune se lisse les cheveux avec un peu de salive, s’épluche les bouts de fil restés sur la robe, se pomponne les joues avec la houpette, se prépare les cils avec une épingle à cheveux, et alors faut voir, ce sont les plus dégingandées qui font le plus leur tata, qui prennent pour descendre les airs les plus innocents et les plus dignes !

— Parbleu, s’écria André, c’est dans les manteaux comme dans l’art. On peut être certain, que ce sont les gens dont la vie privée est la plus abjecte qui écrivent les œuvres les plus sentimentales et les plus bégueules ! Enfin, c’est ainsi !

Il eut un soupir, puis il demanda quelques renseigenements sur la nourriture des ouvrières, apprit sans étonnement que ces jeunes personnes se repaissaient de crudités, d’artichauts à la poivrade, de fromage blanc à la ciboule, de pommes vertes, et, en fait de nourritures plus substantielles, de clovisses, de moules, de côtelettes, le tout apporté du dehors, dans de grands