Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/259

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paniers, et chauffé dans une pièce spéciale, commune à toutes les séries d’ouvrières, au sixième, sur des fourneaux à gaz dont on se disputait les trous retenus à l’avance pourtant par les apprenties de chaque atelier.

— Ah ! bien, vous devez en débiter sur les hommes ? hasarda André.

Jeanne convint que sans doute on causait des hommes, mais le thème de la conversation reposait surtout sur les rêves qu’on avait eus.

Tous les matins, du reste, les ouvrières criaient à leurs amies, en arrivant :

— Bonjour, ma chérie, tu as bien dormi ?

— Oh oui, ma chère, j’ai rêvé de toutes sortes de choses que je te raconterai, là-haut, pendant le déjeuner ; oh ! tu verras, ma chère ; – et, en croquant des radis qu’elles se cotisaient pour acheter, elles racontaient leurs rêves qui étaient expliqués par la grande Amélie, une femme joliment forte là-dessus, possédant, comme pas une, la clef des songes.

Ainsi, quand on embrassait une femme ou qu’on voyait son derrière, c’était un affront qui vous attendait dans la journée ; – quand on rêvait d’oiseaux, c’était cancan ; – de feu, une grande joie, à condition pourtant qu’on ne vît pas les flammes ; – puis il y avait encore le chat qui était trahison ; – l’enfant qui était tourment et un tas d’autres devinettes que Jeanne avouait ne plus connaître.

— Et tu crois à tout cela ? demanda André.

— Mais oui, pourquoi pas ? – Seulement le sou-