Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/278

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tristement dans les yeux, et fit d’une voix tremblante :

— Alors, tu me lâches ?

Elle se récria :

— Oh ! que c’est méchant de dire des choses pareilles ; non tu seras toujours mon petit homme, comment peux-tu croire que je ne t’aime plus ? Seulement tu devrais comprendre qu’une femme ne peut vivre avec l’air du temps ! – Mon Dieu, tu as fait tout ce qui était possible, je le sais, et je ne te reproche rien ; mais, maintenant que les magasins chôment, que je ne parviens même plus à gagner ma nourriture, je traînerais la misère à Paris. Voyons, aimerais-tu mieux que je fasse des bêtises, que j’aille avec l’un et avec l’autre ?

Il hocha la tête, soupirant, s’avouant très bas, que peut-être il eût préféré que Jeanne noçât sans rien lui dire, plutôt que de l’abandonner brutalement ainsi.

Elle prit son soupir pour un symptôme du désespoir qu’il éprouvait à la pensée que sa petite Jeanne pourrait appartenir au public, au premier venu. Elle soupira à son tour, puis déplora, soucieuse, les périls de la traversée, les douleurs du mal de mer, la tristesse d’un pays dont on ne connaît pas la langue, ensuite elle embrassa André sur les yeux, murmurant : ne te désole pas, mon petit homme, va, je reviendrai, ce ne sera pas bien long.

Il ne répondait pas.

Alors elle reprit, très douce : – Voyons, ne sois pas comme cela, parle-moi, je ne suis pas bien heureuse