Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/29

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rendait d’un blanc plus cru la mousseline pendue aux fenêtres, tout le blanc azuré du linge. André regarda, en face de lui, les vitres closes des maisons, l’immobilité des rideaux placés derrière. Le silence ininterrompu de la cour lui parut lugubre ; il revint dans la pièce, demeura mal à l’aise devant cette mare de lumière qui s’épandait de plus en plus, triste comme un lever de lune, bleuissante et blanchie comme elle. Il se vit dans la glace, les joues hâves et les yeux culottés de bistre. Il apprêta sa malle à la hâte et, la tenant d’une main, il ferma, de l’autre, son cabinet, et arrivé dans l’anti-chambre, il tourna le loquet de la porte. Là, il se sentit défaillir. Le regret qui l’avait poigné, dans la cuisine, l’étreignit de nouveau, lui fit presque jaillir les larmes des yeux. Le bien-être qu’il quittait, ainsi, tout à coup, le navra. Cette porte sur l’escalier lui ouvrit un horizon de misères sans bornes ; il évoqua sur ce palier l’abandon de tout un avenir de gaieté et de paix, la vie de ses dix-huit ans qu’il fallait revivre à trente ans passés, la confiance et l’espoir en moins, l’estomac délabré et des besoins de confortable en plus.

La porte remuait doucement. Lui, la malle à ses pieds, restait immobile, envahi par des lâchetés croissantes. Ah ! si sa femme s’était précipitée, les cheveux au vent, en chemise, lui avait enlacé le cou, fermé la bouche avec les mains, étouffé seulement un semblant de larmes, il aurait jeté d’un coup de pied sa malle !