Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/30

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Il eut subitement une lucidité d’esprit. Il se figura, après cette scène ridicule, les réflexions qui lui seraient venues. Il se représenta toutes les hontes du cocuage subi, les défiances qui l’assailleraient maintenant, au moindre mot ; il eut une vision des aigreurs qui s’échangeraient au-dessus d’une table des raccommodements convenus tacitement, d’avance, dans les oreillers, des embarras de certains tête-à-tête, des maladresses innocemment lâchées, des rancunes qui en résulteraient pour l’un comme pour l’autre.

— Eh ! je deviens idiot, à la fin, dit-il. J’ai le choix entre aller gifler ma femme ou ficher mon camp. Il empoigna sa malle, descendit, franchit la porte cochère entrebâillée, s’achemina lentement vers le logis de Cyprien.

L’air, la marche, lui faisaient du bien. Il enleva son chapeau pour avoir plus frais et un petit vent but les gouttes de sueur qui lui perlaient aux tempes. Il n’avait plus maintenant qu’une vague perception, qu’un souvenir confus des incidents de cette nuit. Il déposa sa valise sur le trottoir, la reprit, ayant simplement hâte d’arriver parce qu’elle était lourde. Il dut s’arrêter de nouveau, la changer de main, se reposer encore.

Les rues étaient désertes. Le ciel semblait taché de pâtés d’encre et barbouillé de cendre pour les faire sécher. Au loin, une balayeuse, la tête enfoncée dans une marmotte, les sabots bourrés de paille, s’appuyait sur le manche d’une pelle ; à ses