Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/300

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seront constamment méprisés, constamment honnis.

Et il n’y a rien à faire à cela, il n’y a pas de subterfuges à inventer, ajouta Cyprien avec une pointe de mélancolie. Quand j’achèterais une alliance à ta maman, quand je lui jetterais de la soie sur le dos, et sur la tête des chapeaux à plumes, ça ne nous empêcherait pas d’avoir la tournure spéciale aux gens collés. Du reste, si tu veux t’en assurer, tu n’as qu’à nous regarder par la fenêtre, quand nous sortons ensemble, ça, faut être juste, c’est un beau spectacle ! Mélie cahote en marchant, et elle ne peut me suivre ; elle geint, se mouche, s’essuie, crie après moi, m’appelle tout haut dans la rue, tandis qu’à vingt pas en avant, je fends l’air de mes longues jambes. Voyons, c’est-il cela qui peut nous procurer une dégaine honorable de gens mariés ? Non, n’est-ce pas ?

Ah ! si nous étions des ouvriers, si Mélie portait de vieilles camisoles et des bonnets mous, si moi j’étais vêtu d’une blouse et coiffé d’une casquette, je ne dis pas… nous pourrions sans doute donner le change, puisque tout le monde a l’air de concubins, dans le peuple.

Alexandre s’agita et miaula désespérément.

— Allons, je vais abréger, fit Cyprien, car je commence à croire que ces explications t’intéressent fort peu. Au fait, les deux sous de foie que tu manges par jour ne sont ni meilleurs, ni pires, que ce soit Mélie, fille Aulanier, ou Mélie épouse de Cyprien Tibaille, qui te