Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/325

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d’or et bourrés de glaces, une vraie cour des Miracles soigneusement cachée par une porte. Ce trou ignoble, abrité derrière des façades superbes, vous suggère l’idée d’une plaie nécessaire suintant sur un corps bien mis, d’un vésicant, d’une sorte de séton, dissîmulé sous l’opulence du linge, pour pomper l’humeur et garder le teint frais !

André approuva d’un hochement de tête, mais il ne répondit pas. Il songeait maintenant au dîner qui l’attendait. La perspective de connaître Mélie ne l’amusait guère. Il eût préféré dîner au restaurant, seul à seul avec le peintre. Il n’y a pas d’excuses à imaginer, se dit-il, voyant son ami entrer chez un rôtisseur et rapporter un poulet dans du papier ; et il marcha silencieusement, regardant le Palais de l’Élysée qu’ils rasaient, les agents de la sûreté qui circulent sans trêve autour et qui ont tous la même allure et la même face, des redingotes militairement boutonnées, des pantalons noirs descendant sur des bottes à clous et, dans des teints enflammés, des moustaches de palissandre.

— Patience, nous y voici ; et Cyprien précéda André dans l’escalier de la maison, grognant : je suis sûr que j’ai payé le poulet trop cher et que ma femme va se moquer de moi.

— Cyprien ! cria Mélie, quand ils furent entrés.

— Quoi ? clama le peintre. Arrive.

Mélie apparut, emplissant tout le cadre d’une porte avec sa taille. Elle esquissa poliment une révérence, apprit