Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/327

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jaune que surmontait le gris diaphane des verres traversés par des coulées de jour qui descendaient du calice dans le pied où elles s’arrêtaient scintillant en un point vif. Des salières à double compartiment s’étalaient, opposant le blanc argenté du sel au rouge tripoli du poivre anglais, à gauche et à droite des plats, tandis que près des carafes, réverbérant dans leur eau le visage bizarrement allongé des convives, le flacon mer-d’oïe d’un moutardier apparaissait, d’une couleur indécise, flottant entre le violet et le vert prune, noyé qu’il était par l’ombre tombée d’une bouteille dont le ventre réfléchissait, à son tournant, en un petit carré de lumière, le cadre croisillé de la fenêtre.

— Mâtin, vous ne vous refusez rien, vous, dit André ravi par l’ordonnance de la table qu’il s’attendait à voir négligé ou sale.

— Allons-y, les enfants ! cria le peintre, pour toute réponse, et il enfonça sa louche dans la soupière.

— C’est fameux, ce bouillon aux choux, proféra André, le nez perdu dans la fumée qui montait de l’assiette.

— Oui, c’est vraiment pas mauvais de manger, puis il vaut mieux, comme on dit, aller chez le boulanger que – chez le pharmacien, fit Mélie, en riant ; et, tout heureuse de ces compliments, elle reprit : – Allons, monsieur André, encore une cuillerée ?

— Ma foi, je veux bien, Madame, cette soupe est exquise.