Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/333

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de misère avec un homme et qu’il ne me batte pas, je m’estime heureuse. Il n’y a que cela de vrai dans la vie, en somme !

— Tiens, mon vieux, fit Cyprien à André, verse-toi donc un petit verre de chartreuse.

Le carafon tourna autour de la table.

— Je suis bien sûre, continua Mélie, en tendant son verre à André pour trinquer, que dans l’histoire de votre ménage, le plus à plaindre c’est votre dame. Quand on a eu ses petites habitudes, son chez soi, c’est bien pénible, allez, d’être chez les autres. Non, les hommes ne sont pas justes, ils ne veulent pas comprendre ce qui en est. Votre dame a buté, ça se peut, mais elle vous aime tout de même, car, voyez-vous, il n’y a rien de tel que d’aller avec une nouvelle personne pour regretter aussitôt celle avec qui l’on ne va plus ! – Aussi vrai que je m’appelle Mélie, c’est comme cela !

Ah ! interrompit Cyprien, en frappant d’un coup de poing la table. dire qu’il n'y aura pas un moment dans la vie où l’on pourra dire zut aux femmes ! C'est foutant à la fin, car on a encore plus besoin d’elles quand on est détraqué ou vieux que lorsqu’on est bien portant ou jeune ; à ce point de vue, c’est réellement malheureux pour toi que Jeanne soit partie, dit-il à André, parce qu’enfin tu ne peux demeurer ainsi ; à force de ne pas avoir de la jupe qui traîne chez toi, tu finiras par devenir hypocondre.

André ne répondit pas ; Mélie et Cyprien lui récitaient tout haut ce qu’il pensait tout bas.