Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/339

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Espagne, souriant aux féeries qui se jouaient dans sa cervelle. À l’occasion d’un fauteuil qu’il avait donné à réparer la veille, des projets d’ameublement le hantèrent et il se figurait les bibelots qu’il achèterait, les toiles rares, et il pensait aussi à une cave splendide et à une femme charmante qui rayonnerait doucement au milieu de ces élégances.

Il était, dans ces transports d’imagination, animé d’une bienfaisante indulgence. Ma foi, je garderai Mélanie, se dit-il, et je prendrai son mari en qualité de concierge ou de valet de chambre. Ce qui me contrarie, par exemple, c’est qu’il ne puisse pas me servir aussi de jardinier, car il m’en faudra un et ce n’est guère agréable d’introduire chez soi de nouvelles personnes.

Soudain, il reçut comme un heurt dans l’estomac, la sonnette tintait. Il se redressa, très ahuri, n’ayant pas encore bien repris son équilibre, pareil aux gens que l’on réveille brutalement d’un somme.

Quel imbécile je suis avec toutes mes rêveries ! se dit-il en prenant la lampe. Il traversa la salle a manger, ouvrit la porte et il béa devant une femme.

Malgré la voilette qui lui couvrait et les yeux et le nez, il reconnut Berthe.

— C’est toi, fit-il, suffoqué.

Et après une minute de silence, où ils demeurèrent, l’un devant l’autre, haletants, sans pouvoir parler, machinalement André alla déposer sur la table de la salle à manger la lampe que sa main avait peine à tenir droite.