Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/38

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l’exaspéraient. Il eût voulu que Cyprien marchât sur la pointe des pieds, comme dans ces chambres de malades, où l’on fortifie le patient avec un simple regard et une poignée de main. Malheureusement, Cyprien était incapable d’apaiser un chagrin quelconque. Comme la plupart des célibataires, il ne jugeait point d’ailleurs que les misères conjugales des autres méritassent une pitié bien longue. Il admettait plus facilement qu’un monsieur abandonné par une maîtresse se désespérât et fût plaint qu’un mari trompé par sa femme. Celui-là devait s’y attendre, pourquoi s’était-il marié ? Il haïssait d’ailleurs la bourgeoise dont la corruption endimanchée l’horripilait ; il n’avait d’indulgence que pour les filles qu’il déclarait plus franches dans leur vice, moins prétentieuses dans leur bêtise.

André ne fut donc point fâché d’être laissé seul, mais, d’un autre côté, la solitude l’effrayait ; il se savait assailli à l’avance par l’obsession de son infortune, puis il était mal à l’aise, énervé, souffrant.

Ils se décidèrent enfin à quitter la place. André prit son chapeau, et mu par cette idée superstitieuse qu’il ne pourrait étouffer tout à fait les souvenirs cuisants, revivre réellement sa vie d’autrefois qu’en retournant habiter son ancien quartier, il s’achemina, lentement, au travers des rues qui relient la rue Royale à la rue Cambacérès.

Alors, commença pour lui une longue pérégrination à la recherche des locaux vides. Il marcha, le nez en l’air, en déchiffrant des écriteaux. Il tourna, pen-