Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/41

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Il y avait aussi une terrasse et le tout valait mille francs. Ce n’était pas cher pour le quartier, puis le local était libre et pouvait être occupé de suite. André l’arrêta.

Une certaine quiétude lui vint maintenant qu’il s’était assuré un gîte. Il se rendit à une succursale de la maison Bailly, située dans la même rue, et retint une voiture de déménagement pour le surlendemain.

Il avait faim. La fatigue et la marche avaient comme émoussé l’aigu de ses ennuis. Il était presque joyeux, lorsqu’il avisa une petit mastroque, derrière la vitrine duquel se tuméfiait un melon grandi dans de l’alcool.

Des rangées de bouteilles avec des capsules de plomb sur la tête et des étoiles allumées au milieu du ventre, formaient le demi-cercle, enveloppaient deux étages de bondons meurtris, des vinaigrettes persillées de bœuf froid, des ratas figés aux navets, des tôt-faits avec des plaques noires de brûlé, godant sur leur bourbe jaune.

Dans une gamelle de fer, un riz au lait entamé croulait ; des œufs, couleur de vin, emplissaient un saladier à fleur ; un lapin, ouvert sur un plat, les quatre pattes en l’air, étalait le violet visqueux de son foie sur sa carcasse lavée de vermillon très pâle. Une muraille de bols, emmanchés les uns dans les autres, une tour de soucoupes bordées de bleu, s’élevaient précédées devant les carreaux de la devanture, d’un ancien bocal de prunes à l’eau-de-vie, plein d’eau, où des glaïeuls affalés laissaient tremper leurs tiges.

André s’assit devant une table vide. En attendant qu’on lui apportât la soupe, il regarda la salle. C’était une pièce assez grande, ornée de becs de gaz et