Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/46

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barré par des lunettes d’or, s’était installé à sa place, et il expliquait à un tout jeune homme le mystère des dents.

Celui-ci écarquillait les yeux, l’écoutait dévotement, voulant sans doute s’établir dans cette partie.

— Le plus clair de votre recette, disait le monsieur, c’est la pose des fausses dents. Elles se fabriquent en Angleterre et se vendent au passage Choiseul. Là, il y a un sérieux bénéfice, pensez donc, vous pouvez demander dix francs par dent et cela coûte dix sous, sans bout de gencive en caoutchouc et un franc avec gencive.

— Il y en a des roses et des brune, n’est-ce pas, interrompit timidement le jeune homme ? moi, j’aimerais mieux les roses.

— Tiens ! vous n’êtes pas mou ! les brunes, ce sont des gencives de pauvres ! elles valent moins cher, mais l’on en vend plus, repartit l’autre.

Le jeune adepte en bâillait d’étonnement.

— Et les dentiers en hippopotame ? hasarda-t-il.

L’homme aux lunettes d’or leva les bras au ciel.

— Ça, c’est de la sculpture ! songez donc, il faut tailler la dent en plein ivoire, mettre des montures d’or, cela coûte des prix fous ! et il continuait à expliquer la cuisine de son métier, avouait pratiquer sur les chicots de ses malades d’inutiles opérations et profiter de l’abasourdissement douloureux où ces gens se trouvaient pour leur vendre à haut prix ses dentifrices.

André pensa que c’était trop subir d’affligeantes révélations. Son oseille était mangée. Il insista fu-