Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/53

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André s’était installé sur un banc. Le jardin était presque désert. L’heure n’était pas encore venue où des dames assises se vantent mutuellement les belles qualités de leurs garçons qui se jettent, en une allée plus loin, du sable dans les yeux et se pincent. Les petites filles ne se pavanaient pas encore, étalant des pantalons brodés, des jupons blancs, faisant les dédaigneuses, dévisageant de haut les enfants de leur âge qui les invitent à jouer, répondant non si la robe est fanée et le manteau pas neuf.

Dix heures sonnaient. Entre des arbres, çà et là, en groupe, la marmaille des pauvres commençait à braire.

André et Cyprier dessinaient avec leurs cannes des ronds sur la terre. Ils ne parlaient plus, écoutaient, dans le silence du jardin, les cris aigus des mômes, le craquement du gravier sous les pas, le son éloigné d’une trompe.

Ils sentaient autour d’eux un silence enveloppé de bruit ; la rumeur des rues avoisinantes s’étendait, apaisée et lointaine, se mourait, dans les allées, proches des grilles. Quelques moineaux pépiaient par endroits ; par d’autres, des pigeons sautillaient sur des vases de fleurs ; partout des traces de clous de souliers se voyaient dans le sable.

Cyprien, les coudes sur ses genoux, la tête entre les mains, sifflotait, contemplant la barre sale des maisons, derrière les arbres, le dôme du Panthéon, arrondissant sa calotte grise sur le bleu-lin du ciel, coupé, net, plus bas, par une ligne d’eau, une ligne formée