Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/66

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ont joué, les talons tournent, les tirants ne sont plus. La cravate est longue pour cacher la chemise. Ô les devants malades ! Je les connais les devants qu’on épluche, tous les matins, les ouvertures qui bâillent, les boutons qu’on attache tous ensemble, au-dessous du plastron, par un bout de fil, pour ne pas les perdre. Et encore, faudrait lui voir le dessous à ce Monsieur-là !…Du linge que la crasse aumone ! Des fonds de culottes minces comme des pelures d’oignons, tannés et roussis comme elles, des chaussettes durant quinze jours, avec des plis noirs au talon, des zébrures de sépia sur le cou-de-pied, des pointes couleur terre ! Et, en voilà encore d’autres, reprit-il, après un moment de silence, qui la feront mijoter et cuire la misère, que c’en sera une vraie bouillie ! Et il montrait du doigt des enfants qui s’étaient rassemblés peu à peu, et vagabondaient sur la terrasse.

Alors ils regardèrent, sans plus dire mot, des mioches avec des chemises s’envolant des pantalons, des épaules en pente, des mines rachitiques, des trous secs de scrofules au cou ; ils s’apitoyèrent presque devant des rouleaux de chairs rouges, empaquetés dans des langes, tenus par des galopines, des rouleaux gigotants d’où s’échappaient des cris, de l’urine, des larmes. Plus loin, c’était un grand garçon, efflanqué et pâle, à l’époque de la mue, avec des jambes trop longues et une voix bizarre, qui brutalisait un plus petit, décorée sur sa blouse, d’une croix en plomb, et, en face d’eux, juste, trois petites filles moulaient des pâtés dans des seaux de fer peint. Elles étaient