Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/68

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Ils prirent des chaises. Le vieillard avait été remisé, en un lit, dans la salle du fond et on l’entendait geindre. Ils virent qu’on lui frottait le coccyx avec des couennes de lard, pour empêcher qu’il ne s’écorchât. Une vieille femme sortait de l’arrière-boutique et jetait, près de la mécanique, au bas d’un monceau de linge, les tronçons usés de cette charcuterie.

Trois ouvrières tripotaient des chemises. L’apprentie était assise, sur une chaise, les pieds sur les barreaux, les genoux relevés. Elle marmottait tout bas, l’œil perdu. À un moment, elle dit, inconsciemment, presque haut : je n’entends pas mes moutons !

Les ouvrières s’arrêtèrent de travailler et crièrent en chœur : en v’là une sale arpette ! Tu nous embêtes avec tes moutons, toi ! – fallait rester avec eux ! – Le vieillard s’agitait, à côté, dans sa couchette. Ses bras qu’il pouvait encore remuer se cognaient à l’étroit contre la cloison. Il jurait d’une voix sourde. Une ouvrière s’en fut le consoler. – Allons, mon oncle en voilà assez, n’est-ce pas ? Si vous ne vous tenez pas tranquille, vous n’aurez pas de sucre dans votre vin ! – Et des plaintes d’enfant grondé s’entendaient : est-ce que je sais, moi…. je ne sais pas…

— C’est votre oncle ? demanda Cyprien, à la femme.

L’autre secoua la tête. Il n’était l’oncle de personne. On l’avait recueilli, simplement, parce qu’il avait des rentes.

— C’est seulement dommage que ce vieux cochon-là en ait placé une partie en viager, remarqua judicieusement une des repasseuses.