Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/146

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misères féminines dont elle fut exempte ; elle explique le mystère de la Conception par trois gouttes de sang qui jaillirent du cœur de Marie dans sa matrice où le Saint-esprit s’en servit pour former l’enfant ; elle déclare enfin que saint Michel, que saint Gabriel remplirent les fonctions de sages-femmes et assistèrent, vivants, sous une forme humaine, aux couches de la Vierge !

C’est tout de même un peu fort ! — Je sais bien ce que répond l’abbé, qu’il n’y a pas à tenir compte de ces étrangetés et de ces erreurs, mais qu’il faut lire la « Cité mystique » au point de vue de la vie intérieure de la Sainte Vierge. — Oui, mais alors le livre de M. Olier, qui traite le même sujet, me paraît autrement curieux, autrement sûr !

Ce prêtre forçait-il la note, jouait-il un rôle ? Durtal se le demandait, en voyant sa ténacité à ne pas s’écarter pendant un certain temps des mêmes questions. Il essayait quelquefois, pour le tâter, de détourner la conversation, mais doucement l’abbé souriait et la ramenait là où il voulait qu’elle fût.

Quand il crut avoir saturé Durtal d’œuvres mystiques, il en parla moins et il parut ne plus s’éprendre que des ordres religieux, surtout de l’ordre de saint Benoît. Très habilement, il incita Durtal à s’intéresser à cet institut, à l’interroger, et, une fois bien installé sur ce terrain, il n’en démarra plus.

Cela commença un jour où Durtal causait avec lui du plain-chant.

— Vous avez raison de l’aimer, dit l’abbé, car même en dehors de la liturgie et de l’art, ce chant, si j’en crois saint Justin, apaise les attraits et les concu-