Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/147

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

piscences de la chair, « affectiones et concupiscentias carnis sedat » ; mais laissez-moi vous l’assurer, vous ne le connaissez que par ouï-dire ; il n’y a plus maintenant de vrai plain-chant dans les églises ; ce sont, ainsi que pour les produits de la thérapeutique, des frelatages plus ou moins audacieux qu’on vous présente.

Aucun des chants à peu près respectés par les maîtrises — le « Tantum ergo » par exemple — n’est désormais exact. Il demeure presque fidèle jusqu’au verset « Præstet fides » et là il déraille ; il ne tient pas compte des nuances très perceptibles pourtant que la mélodie grégorienne impose à ce moment où le texte avoue l’impotence de la raison et l’aide toute-puissante de la Foi ; ces adultérations sont plus sensibles encore si vous écoutez, après l’office des Complies, le « Salve Regina ». Celui-là, on l’abrège de plus de moitié, on l’énerve, on le décolore, on l’ampute de ses neumes, on en fait un moignon de musique ignoble ; si vous aviez entendu ce chant magnifique dans les Trappes, vous pleureriez de dégoût, en l’écoutant braillé à Paris, dans les églises.

Mais en dehors même de l’altération du texte mélodique qui est maintenant acquise, la façon dont on beugle le plain-chant est partout absurde ! L’une des premières conditions pour le bien rendre, c’est que les voix marchent ensemble, qu’elles chantent toutes en même temps, syllabe pour syllabe et note pour note ; il faut l’unisson, en un mot.

Or, vous pouvez le vérifier, la mélodie grégorienne n’est pas ainsi traitée : chaque voix fait sa partie et s’isole ; ensuite, la musique plane n’admet pas d’accompagnement : elle doit se chanter, seule et sans orgue ; tout