Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/200

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je ne sais plus où j’en suis ; j’ai peur du confesseur, des autres, de moi-même ; c’est insensé, mais c’est plus fort que moi ; je ne parviens pas à prendre le dessus !

— L’eau vous épouvante ; imitez Gribouille, jetez-vous bravement dedans ; voyons, si j’écrivais à la Trappe aujourd’hui même que vous y arrivez ; quand ?

— Oh ! s’écria Durtal, attendez encore.

— Le temps d’avoir une réponse, comptons deux fois vingt-quatre heures ; voulez-vous vous y rendre dans cinq jours ?

Et comme Durtal, abasourdi, se taisait.

— Est-ce entendu ?

Alors Durtal éprouva, dans ce moment, une chose étrange ; ce fut, ainsi que plusieurs fois à Saint-Séverin, une sorte de touche caressante, de poussée douce ; il sentit une volonté s’insinuer dans la sienne, et il recula, inquiet de se voir ainsi géminé, de ne plus se trouver seul dans ses propres aîtres ; puis il fut inexplicablement rassuré, s’abandonna, et dès qu’il eut prononcé ce « oui », un immense allègement lui vint ; et, sautant alors d’un excès à un autre, il s’ébroua à l’idée que ce départ n’aurait pas lieu tout de suite et il regretta de passer encore à Paris cinq jours.

L’abbé se mit à rire. — Mais encore faut-il que les trappistes soient prévenus ; c’est une simple formalité, car avec un mot de moi, vous serez aussitôt reçu, mais attendez au moins que je l’envoie, ce mot ! Je le mettrai à la poste ce soir, n’ayez donc aucune inquiétude et dormez en paix.

Durtal rit, à son tour, de son impatience. — Avouez, dit-il, que je deviens bien ridicule !