Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/239

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son assurance, tout son entrain s’effondraient ; il balbutiait : qu’est-ce qui va m’arriver là-dedans ?

En un galop de panique, passait devant lui la terrible vie des Trappes : le corps mal nourri, exténué de sommeil, prosterné pendant des heures sur les dalles ; l’âme, tremblante, pressée à pleines mains, menée militairement, sondée, fouillée jusque dans ses moindres replis ; et, planant sur cette déroute de son existence échouée, ainsi qu’une épave, le long de cette farouche berge, le mutisme de la prison, le silence affreux des tombes !

Mon Dieu, mon Dieu, ayez pitié de moi, dit-il en s’essuyant le front.

Machinalement, il jetait un coup d’œil autour de lui, comme s’il attendait une assistance ; les routes étaient désertes et les bois vides ; l’on n’entendait aucun bruit, ni dans la campagne, ni dans la Trappe.

Il faut pourtant que je me décide à sonner ; — et, les jambes cassées, il tira la chaîne.

Un son de cloche, lourd, rouillé, presque bougon, retentit de l’autre côté du mur.

Tenons-nous, ne soyons pas ridicule, murmurait-il, en écoutant la claquette d’une paire de sabots derrière la porte.

Celle-ci s’ouvrit et un très vieux moine, vêtu de la bure brune des capucins, l’interrogea du regard.

— Je viens pour une retraite et je voudrais voir le Père Étienne.

Le moine s’inclina, empoigna la valise et fit signe à Durtal de le suivre.

Il allait, courbé, à petits pas, au travers d’un verger. Ils atteignirent une grille, se dirigèrent sur la droite d’un