Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/265

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extasiées des Primitifs paraissaient, près de la sienne, efforcées et froides.

Le masque était pourtant vulgaire ; le crâne ras, sans couronne, hâlé par tous les soleils et par toutes les pluies, avait le ton des briques ; l’œil était voilé, couvert d’une taie par l’âge ; le visage plissé, ratatiné, culotté tel qu’un vieux buis, s’enfonçait dans un taillis de poils blancs et le nez un peu camus achevait de rendre singulièrement commun l’ensemble de cette face.

Et il sortait, non des yeux, non de la bouche, mais de partout et de nulle part, une sorte d’angélité qui se diffusait sur cette tête, qui enveloppait tout ce pauvre corps courbé dans un tas de loques.

Chez ce vieillard, l’âme ne se donnait même pas la peine de réformer la physionomie, de l’ennoblir ; elle se contentait de l’annihiler, en rayonnant ; c’était, en quelque sorte, le nimbe des anciens saints ne demeurant plus autour du chef, mais s’étendant sur tous ses traits, baignant, apâli, presque invisible, tout son être.

Et il ne voyait ni n’entendait rien ; des moines se traînaient sur les genoux, venaient pour se réchauffer, pour s’abriter auprès de lui et il ne bougeait, muet et sourd, assez rigide pour qu’on pût le croire mort, si, par instant, la lèvre inférieure n’eût remué, soulevant dans ce mouvement sa grande barbe.

L’aube blanchit les vitres et, dans l’obscurité qui commençait à se dissiper, les autres frères apparurent à leur tour, à Durtal ; tous ces blessés de l’amour divin priaient ardemment, jaillissaient hors d’eux-mêmes, sans bruit, devant l’autel. Il y en avait de tout jeunes à genoux et