Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/270

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Et pas un bruit ne surgissait de ce lieu désert, sinon le craquement des feuilles sèches que Durtal froissait en marchant. L’horloge sonna sept heures.

Il se rappela que le déjeuner allait être servi et il se dirigea à grands pas vers l’abbaye. Le P. Étienne l’attendait ; il lui serra la main, lui demanda s’il avait bien dormi, puis :

— Qu’allez-vous manger ? Je n’ai que du lait et du miel à vous offrir ; j’enverrai aujourd’hui même au village le plus proche pour tâcher de vous procurer un peu de fromage ; mais vous allez subir une triste collation, ce matin.

Durtal proposa de substituer du vin au lait et déclara que ce serait pour le mieux ainsi ; j’aurais, dans tous les cas, mauvaise grâce à me plaindre, fit-il, car enfin, vous, maintenant, vous êtes à jeun.

Le moine sourit. — Pour l’instant, dit-il, nous faisons, à cause de certaines fêtes de notre ordre, pénitence. Et il expliqua qu’il ne prenait de nourriture qu’une fois par jour, à deux heures de l’après-midi, après None.

— Et vous n’avez même pas pour vous soutenir du vin et des œufs !

Le P. Étienne souriait toujours. — On s’y habitue, dit-il. Qu’est-ce que ce régime, en comparaison de celui qu’adoptèrent saint Bernard et ses compagnons, lorsqu’ils vinrent défricher la vallée de Clairvaux ? Leur repas consistait en des feuilles de chêne, salées, cuites dans de l’eau trouble.

Et après un silence, le père reprit : Sans doute la règle des Trappes est dure, mais combien elle est douce si nous nous reportons à ce que fut jadis, en Orient, la