Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/271

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

règle de saint Pacôme. Songez donc, celui qui voulait accéder à cet ordre restait dix jours et dix nuits à la porte du couvent et il y essuyait tous les crachats, tous les affronts ; s’il persistait à vouloir entrer, il accomplissait trois années de noviciat, habitait une hutte où il ne pouvait se tenir debout et se coucher de son long ; il ne se repaissait que d’olives et de choux, priait douze fois le jour, douze fois le soir, et douze fois la nuit ; le silence était perpétuel et les mortifications ne cessaient pas. Pour se préparer à ce noviciat et s’apprendre à dompter la faim, saint Macaire avait imaginé d’enfoncer du pain dans un vase au col très rétréci et il ne s’alimentait qu’à l’aide des miettes qu’il pouvait retirer avec ses doigts ; quand il fut admis dans le monastère, il se contenta de grignoter des feuilles de choux crus, le dimanche. Hein, ils étaient plus résistants que nous, ceux-là ! nous n’avons plus, hélas ! ni l’âme, ni le corps assez solides pour supporter de tels jeûnes. — mais que cela ne vous empêche pas de goûter ; allons, bon appétit ; — ah ! pendant que j’y pense, reprit le moine, soyez à dix heures précises à l’auditoire, c’est là que le père prieur vous confessera.

Et il sortit.

Durtal aurait reçu un coup de maillet sur la tête qu’il n’eût pas été mieux assommé. Tout l’échafaudage si rapidement exhaussé de ses joies croula. Ce fait étrange avait lieu ; dans cet élan d’allégresse qui le portait depuis l’aube, il avait complètement oublié qu’il fallait se confesser. Et il eut un moment d’aberration. Mais je suis pardonné ! se dit-il ; la preuve est cet état de bonheur que je n’ai jamais connu, cette dilatation vrai-