Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/360

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Et la voix se fit plus pressante :

— Tu admets aussi le péché originel ?

— Je suis bien obligé de l’admettre, puisqu’il existe. Qu’est-ce que l’hérédité, l’atavisme, sinon, sous un autre vocable, le terrible péché des origines ?

— Et cela te paraît juste que des générations innocentes réparent encore et toujours la faute du premier homme ?

Et comme Durtal ne répliquait pas, la voix insinua doucement :

— Cette loi est tellement inique qu’il semble que le Créateur en ait eu honte et que, pour se punir de sa férocité et ne pas se faire à jamais exécrer par sa créature, il ait voulu souffrir sur la croix, expier son crime, en la personne de son propre Fils !

— Mais, s’écria Durtal exaspéré, Dieu n’a pu commettre un crime et se châtier ; si cela était, Jésus serait le Rédempteur de son Père et non le nôtre ; c’est fou !

Il retrouvait peu à peu son équilibre ; lentement, il récita le Symbole des Apôtres, tandis que les objections qui le démolissaient se pressaient, les unes à la suite des autres, en lui.

Il y a un fait certain, se dit-il, car il était, dans cette bagarre, très lucide : c’est que nous sommes deux pour l’instant en moi. Je puis suivre mes raisonnements et j’entends, de l’autre côté, les sophismes que mon double me souffle. Jamais cette dualité ne m’ était apparue aussi nette.

Et l’attaque faiblit sur cette réflexion ; on eût cru que l’ennemi découvert battait en retraite.