Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/387

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Et quand le moment de la communion fut venu, il suivit M. Bruno derrière les convers ; tous étaient agenouillés sur les dalles et, les uns après les autres, ils se relevaient pour échanger le baiser de paix, et gagner l’autel.

Tout en se répétant les conseils du P. Maximin, tout en s’exhortant à l’abandon, Durtal ne pouvait s’empêcher de penser, en voyant tous ces moines aborder la Table : ce que le Seigneur va trouver un changement lorsque je m’avancerai à mon tour ; après être descendu dans les sanctuaires, il va être réduit à visiter les bouges. Et sincèrement, humblement, il le plaignit.

Et il éprouva, comme la première fois qu’il s’était approché du pacifiant mystère, une sensation d’étouffement, de cœur gros, lorsqu’il fut retourné à sa place. Il quitta, aussitôt la messe terminée, la chapelle et s’échappa dans le parc.

Alors, doucement, sans effets sensibles, le Sacrement agit ; le Christ ouvrit, peu à peu, ce logis fermé et l’aéra ; le jour entra à flots chez Durtal. Des fenêtres de ses sens qui plongeaient jusqu’alors sur il ne savait quel puisard, sur quel enclos humide et noyé d’ombre, il contempla subitement, dans une trouée de lumière, la fuite à perte de vue du ciel.

Sa vision de la nature se modifia ; les ambiances se transformèrent ; ce brouillard de tristesse qui les voilait s’évanouit ; l’éclairage soudain de son âme se répercuta sur les alentours.

Il eut cette sensation de dilatement, de joie presque enfantine du malade qui opère sa première sortie, du convalescent qui, après avoir traîné dans une chambre met enfin le pied dehors ; tout se rajeunit. Ces allées,