Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/388

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ces bois qu’il avait tant parcourus, qu’il commençait à connaître, à tous leurs détours, dans tous leurs coins, lui apparurent sous un autre aspect. Une allégresse contenue, une douceur recueillie émanaient de ce site qui lui paraissait, au lieu de s’étendre ainsi qu’autrefois, se rapprocher, se rassembler autour du crucifix, se tourner, attentif, vers la liquide croix.

Les arbres bruissaient, tremblants, dans un souffle de prières, s’inclinaient devant le Christ qui ne tordait plus ses bras douloureux dans le miroir de l’étang, mais qui étreignait ces eaux, les éployait contre lui, en les bénissant.

Et elles-mêmes différaient ; leur encre s’emplissait de visions monacales, de robes blanches qu’y laissait, en passant, le reflet des nuées ; et le cygne les éclaboussait, dans un clapotis de soleil, faisait, en nageant, courir devant lui de grands ronds d’huile.

L’on eût dit de ces ondes dorées par l’huile des catéchumènes et le saint Chrême que l’Eglise exorcise, le samedi de la Semaine Sainte ; et, au-dessus d’elles, le ciel entr’ouvrit son tabernacle de nuages, en sortit un clair soleil semblable à une monstrance d’or en fusion, à un saint sacrement de flammes.

C’était un Salut de la nature, une génuflexion d’arbres et de fleurs, chantant dans le vent, encensant de leurs parfums le Pain sacré qui resplendissait là-haut, dans la custode embrasée de l’astre.

Durtal regardait, transporté. Il avait envie de crier à ce paysage son enthousiasme et sa foi ; il éprouvait enfin une aise à vivre. L’horreur de l’existence ne comptait plus devant de tels instants qu’aucun bonheur simple-