Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/454

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des vœux de souffrances qu’il avait acceptés et qu’il se réservait de changer, à la longue, en joies.

Le fait est, se dit Durtal qui repensait à ces aveux contradictoires des moines, confessant qu’ils menaient, à la fois la vie la plus attrayante et la plus atroce, le fait est que le bon Dieu les dupe. Ils atteignent ici-bas le paradis en y cherchant l’enfer ; quelle étrange existence, j’ai moi-même égouttée dans ce cloître, reprit-il, car j’y ai été, presque en même temps, et très malheureux et très heureux ; et maintenant je sens bien le mirage qui déjà commence ; avant deux jours, le souvenir des chagrins qui furent cependant, si je les recense avec soin, très supérieurs aux liesses, aura disparu et je ne me rappellerai plus que les témulences intérieures à la chapelle, que les vols délicieux, le matin, dans les sentiers du parc.

Ce que je regretterai la geôle en plein air de ce couvent ! — c’est curieux, je m’y découvre attaché par d’obscurs liens ; il me remonte, lorsque je suis dans ma cellule, je ne sais quelles souvenances de famille ancienne. Je me suis aussitôt retrouvé chez moi, dans un lieu que je n’avais jamais vu ; j’ai reconnu, dès le premier instant, une vie très spéciale et que j’ignorais néanmoins. Il me semble que quelque chose qui m’intéresse, qui m’est même personnel, s’est passé, avant que je ne fusse né, ici. Vraiment, si je croyais aux métempsycoses, je pourrais m’imaginer que j’ai été, dans les existences antérieures, moine… mauvais moine alors, se dit-il, en souriant de ces réflexions, puisque j’aurais dû me réincarner et retourner, pour expier mes fautes, dans un cloître.

Tout en se causant, il avait arpenté une longue allée qui conduisait au bout de la clôture et, coupant à mi-