Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/455

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-chemin à travers des halliers, il flâna sur la lisière du grand étang.

Il ne bouillonnait pas de même que certains jours où le vent le creusait et l’enflait, le faisait courir et revenir sur lui-même, dès qu’il touchait ses rives. Il restait immobile, n’était remué que par des reflets de nuages mouvants et d’arbres. Par moments, une feuille tombée des peupliers voisins voguait sur l’image d’une nuée ; par d’autres, des bulles d’air filaient du fond et crevaient à la surface, dans le bleu réverbéré du ciel.

Durtal chercha la loutre, mais elle ne se montra point ; il revoyait seulement les martinets qui écorchaient l’eau d’un coup d’aile, les libellules qui pétillaient comme des aigrettes, éclairaient comme les flammes azurées des soufres.

S’il avait souffert près de l’étang en croix, il ne pouvait évoquer devant la nappe de cet autre étang que le rappel des lénitives heures qu’il y avait coulées, étendu sur un lit de mousse ou sur une couche de roseaux secs ; et il le regardait, attendri, essayant de le fixer, de l’emporter dans sa mémoire, pour revivre à Paris, les yeux fermés, sur ses bords.

Il poursuivit sa marche, s’attarda dans une allée de noyers qui longeait les murailles au-dessus du monastère ; de là, il plongeait dans la cour, devant le cloître, sur des communs, des écuries, des bûchers, sur les cabines mêmes des porcs. Il tentait d’apercevoir le frère Siméon, mais il était probablement occupé dans les étables, car il ne parut pas. Les bâtiments étaient muets, les pourceaux rentrés ; seuls, quelques chats efflanqués rôdaient, taciturnes, se regardant à peine lorsqu’ils se rencontraient,