Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/46

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avait écouté les Vêpres des morts tomber lourdement, une à une, tandis que les chantres alternaient et jetaient, l’un après l’autre, comme des fossoyeurs, des pelletées de versets, il avait eu l’âme remuée jusque dans ses combles. Les soirs où il avait entendu les admirables chants de l’octave des trépassés, à Saint-Sulpice, il s’était senti pour jamais capté ; mais ce qui l’avait pressuré, ce qui l’avait asservi mieux encore, c’étaient les cérémonies, les chants de la semaine sainte.

Il les avait visitées les églises, pendant cette semaine ! Elles s’ouvraient ainsi que des palais dévastés, ainsi que des cimetières ravagés de Dieu. Elles étaient sinistres avec leurs images voilées, leurs crucifix enveloppés d’un losange violet, leurs orgues taciturnes, leurs cloches muettes. La foule s’écoulait, affairée, sans bruit, marchait par terre, sur l’immense croix que dessinent la grande allée et les deux bras du transept et, entrée par les plaies que figurent les portes, elle remontait jusqu’à l’autel, là où devait poser la tête ensanglantée du Christ et elle baisait avidement, à genoux, le crucifix qui barrait la place du menton, au bas des marches.

Et cette foule devenait, elle-même, en se coulant dans ce moule crucial de l’église, une énorme croix vivante et grouillante, silencieuse et sombre.

À Saint-Sulpice où tout le séminaire assemblé pleurait l’ignominie de la justice humaine et la mort décidée d’un Dieu, Durtal avait suivi les incomparables offices de ces jours luctueux, de ces minutes noires, écouté la douleur infinie de la Passion, si noblement, si profondément exprimée à Ténèbres par les lentes psalmodies, par le chant des Lamentations et des Psaumes ; mais quand