Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/53

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vin qui se fonçaient encore au contact des chairs omises ou perdues, restées, en tout cas, comme leur épiderme de verre, incolores. Dans l’une de ces fenêtres, le Christ en croix semblait même limpide, tout en lumière, au milieu des taches azurées du ciel et des plaques rouges et vertes que formaient les ailes de deux anges dont le visage paraissait aussi taillé dans le cristal et rempli de jour.

Et ces vitraux, différents en cela de ceux des autres églises, absorbaient les rayons du soleil, sans les réfracter. Ils avaient sans doute été privés volontairement de reflets, afin de ne pas insulter par une insolente gaieté de pierreries en feu à la mélancolique détresse de cette église qui s’élevait dans l’atroce repaire d’un quartier peuplé de mendiants et d’escarpes.

Alors des réflexions assaillaient Durtal. Dans Paris, les basiliques modernes étaient inertes ; elles restaient sourdes aux prières qui se brisaient contre l’indifférence glacée de leurs murs. Comment se recueillir dans ces nefs où les âmes n’ont rien laissé d’elles, où lorsqu’elles allaient peut-être se livrer, elles avaient dû se reprendre, se replier, rebutées par l’indiscrétion d’un éclairage de photographe, offusquées même par l’abandon de ces autels où aucun Saint n’avait jamais célébré la messe ? Il semblait que Dieu fût toujours sorti, qu’il ne rentrât que pour tenir sa promesse de paraître au moment de la consécration et qu’aussitôt après, il se retirât, méprisant, de ces édifices qui n’avaient pas été créés expressément pour lui, puisque, par la bassesse de leurs formes, ils pouvaient servir aux usages les plus profanes, puisque surtout ils ne lui apportaient point, à défaut de la sain-