Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/54

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teté, le seul don qui pût lui plaire, ce don de l’art qu’il a, lui-même, prêté à l’homme et qui lui permet de se mirer dans la restitution abrégée de son œuvre, de se réjouir devant l’éclosion de cette flore dont il a semé les germes dans les âmes qu’il a triées avec soin, dans les âmes qu’il a, après celles de ses Saints, vraiment élues.

Ah ! les charitables églises du Moyen Age, les chapelles moites et enfumées, pleines de chants anciens, de peintures exquises et cette odeur des cierges qu’on éteint, et ces parfums des encens qu’on brûle !

À Paris, il ne restait plus que quelques spécimens de cet art d’antan, que quelques sanctuaires dont les pierres suintaient réellement la Foi ; parmi ceux-là, Saint-Séverin apparaissait à Durtal comme le plus exquis et le plus sûr. Il ne se sentait chez lui que là ; il croyait que s’il voulait enfin prier pour de bon, ce serait dans cette église qu’il devrait le faire, et il se disait : ici, l’âme des voûtes existe. Il est impossible que les ardentes prières, que les sanglots désespérés du Moyen Age n’aient pas à jamais imprégné ces piliers et tanné ces murs ; il est impossible que cette vigne de douleurs où jadis des Saints vendangèrent les grappes chaudes des larmes, n’ait pas conservé, de ces admirables temps, des émanations qui soutiennent, des effluves qui sollicitent encore la honte des péchés, l’aveu des pleurs !

De même que sainte Agnès demeurant immaculée dans les bordeaux, cette église restait intacte dans un milieu infâme, alors que tout autour d’elle dans les rues, au Château rouge, à la crémerie Alexandre, là, à deux pas, la tourbe moderne des sacripants combinaient leurs mé-