Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/123

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serviable. Hélas ! C’est là que gît le point douloureux ! L’importun, le triste accueil que Jésus reçoit lorsqu’il s’annonce ! Je réponds aux badauds, j’accours aux appels d’inutiles intrus, je me dispute avec des placiers en tentations et je ne m’occupe pas plus de lui que s’il n’existait point  ; et il se tait ou il s’en va.

Comment remédier au désarroi de mes pauvres aîtres ?

Je suis moins sec cependant, moins aride et aussi moins fluent qu’à Chartres ; mais je suis gavé de prières, saoûl d’oraisons ; je suis accablé de lassitude et de la lassitude naît l’ennui et l’ennui engendre le découragement ; là, est le péril et il est indispensable de réagir. Oh ! Je sais bien, mon seigneur, le rêve est simple : effacer les empreintes, se débarrasser des images, opérer le vide en soi pour que votre fils puisse s’y plaire, devenir assez indifférent à ses plaisirs et à ses soucis, assez désintéressé des alentours pour pouvoir limiter ses sentiments à ceux qu’exprime la liturgie du jour ; en un mot, ne pleurer, ne rire, ne vivre qu’en Vous et avec Vous. Hélas ! L’idéal est inaccessible  ; personne ne s’exile ainsi de soi-même ; on ne tue pas le vieil homme, on l’engourdit à peine et, à la moindre occasion, ce qu’il s’éveille !

Les saints y sont pourtant parvenus, à l’aide de grâces spéciales, et encore Dieu leur a-t-il laissé des défauts afin de les préserver de l’orgueil  ; mais, pour le commun des mortels, rien de semblable ne se réalise et plus j’y réfléchis et plus je me persuade que rien n’est plus difficile que de se muer en saint.

Certes, beaucoup de gens ont maté la chair, ils pratiquent l’amour de Jésus, l’humilité ; ils refoulent